Abstrait
ou Figuratif ?
L'art de
l'encre, perpétué en Asie au long des siècles par les lettrés et les
religieux hors du carcan de l'académie impériale, tire toute sa force de
l'instantanéité de la réalisation.
Cette brièveté
du geste final est le résultat d'une longue maturation intellectuelle. Lorsque
l'esprit est prêt, le bras ''armé'' agit en ''un unique trait de pinceau''.
Plusieurs
des courants de l'art
contemporain occidental se sont inspirés de l'art asiatique.
C'est dans
l'expressionnisme
abstrait - Etats-Unis - et l'art
informel ( informalisme ) - Europe - que je retrouve parfois cet élan,
cette spontanéité, le sujet proposé au spectateur ouvrant nécessairement
la porte à ...l'évasion.
C'est dans
cette voie que je poursuis une recherche picturale, entre abstraction et figuration
...
Dernières toiles
série "Ailleurs simple" d'après un recueil de Cathy Garcia
***
les toiles ici présentées sont à vendre. Contacter le webmaster pour plus de détails.
"
Notre univers n'est qu'un atome
au milieu d'innombrables univers"
Jack Kérouac in Dharma
Peindre, pourquoi ?
" l’art est le détour par lequel le rêve retrouve
le chemin de la réalité. " Freud.
"
... où l’homme et la nature, inextricablement mêlés l’un à
l’autre, fuient, changent et se dissipent, apparences mouvantes,
flot qui bouge, jeu d’ombres promenées sur la toile éternelle. "
Marguerite Yourcenar / En pèlerin et en étranger .
" L’art
est un anti-destin. " André Malraux / Les Voix du Silence
" Quand je suis dans le songe de l’art, le réel est une
petite chose dure et sèche reléguée dans un coin du décor qui s’empoussière."
E.Chevillard / Au spectacle
***
L’homme-peintre est venu au monde avec un besoin de vider son
sac qui le prend périodiquement. Un besoin de dire son sentiment de la vie dans
le monde d’aujourd’hui qui, sans la peinture, s’exprimerait dans la
violence. Un besoin d’oser ne pas plaire en montrant l’horreur de la fatalité
de la vie, l’absurdité métaphysique, l’irrémédiable du quotidien. Un
besoin de libérer les formes de l’illusion par la rupture du trait et
l’abandon du volume car seule l’expression picturale est irréductible à
l’absurde. Il cherche au tréfond la possibilité d’un autre degré de
probabilité qui se trouverait dans l’expression d’évènements imprévus
surgis de l’ordre établi d’un système et qui en bouleversent le code.
Cette quête est une métabolisation du sujet qui le conduit à ne plus le
comparer mais tout simplement à le ressentir avant de ‘’l’éjaculer’’
sur le média.
L’homme-peintre s'est mis à ses pinceaux, à ses couleurs et
à ses encres à cause d'un ‘’incident’’ qu'il ne révélera jamais sous
son aspect authentique parce que cela lui est impossible. Mais il ne tient qu'à
vous spectateur de le reconstituer à la lumière de votre propre expérience et
tant pis si vous vous trompez. Finalement cela n’a guère d’importance.
( Je me
suis inspiré ici d’une certaine idée que Louis Calaferte avait de l’écriture
et qui me semblait particulièrement adaptée à la manière dont je peins )
***
La
Matière
En
travaillant sur des papiers aux grammages extrêmes, soit à l’aquarelle – séries
Aqua
et Etats
de Big Bangs
-, soit
à l’encre – les
Figures (
voir plus loin )-, j’use du support comme d’un média neutre c’est-à-dire
qui n’entre pas dans la composition en temps que tel avec deux techniques,
toutes d’instantanéité, qui ne permettent pas la retouche, ce qui est
pour moi très important. Les teintes agissent par diffusion, superposition ou
dilution. Elles n’apportent aucune épaisseur proprement physique.
Avec
l’acrylique il en va autrement. Un empâtement de matière est possible pour
accrocher différemment la lumière tout en conservant l’impératif de
l’instantanéité sans retouche.
Ces
couleurs que je trouve le plus souvent dans les gammes de ménage, et non dans
les gammes pour artiste, se présentent sous des formes brillantes, satinées ou
mates permettant une variation des jeux de lumière conduisant à des contrastes
intéressants comme les noirs clair ou foncé par exemple ou bien à des effets
d’hydrophilie ou d’hydrophobie selon le support. Ainsi sont nées les Séries
Noires et l’ensemble Solitude.
J’utilise
également la matière pour former un fond qui participe de la composition. Je
tire ainsi profit de sable, de terre, de pierre, de bois, d’enduit de
rebouchage, de caoutchouc liquide, de cire, de treillis de verre, de papier, de
tissus... déposés sur toile, sur carton ou sur bois, isorel le plus généralement.
Ce
fond utilisé tel quel ou traité au blanc devient le support pour l’acrylique
ou l’encre, couleurs dispensées à l’aide de pinceaux, de spatules, de règles,
de morceaux de bois, de compte-gouttes, de seringues... ou directement au tube
ou à la bouteille en gestes spontanés défiants tout projet de retouche.
S’inscrivent ici la série Temps aux grasses
ponctuations de matière aux formes
molles ou encore les White
Rags, morceaux de tissus, sans histoires
identifiées, détrempés de colle puis projetés et agencés
sur une toile en drapés aux saisissants reliefs. Ces fonds, blanchis,
sont animés de quelques taches et coulures noires, calligraphie nécessaire et
suffisante à l’incitation à l’évasion.
En
dehors des producteurs de volume ou d’effets visuels, la matière peut venir
d’objets et conserver en première lecture la signification de leurs usages
antérieurs. J’en protège donc scrupuleusement
la forme et les motifs pour conduire à travers eux une décantation, une
subtilisation de la matière et en assurer ainsi la continuelle évolution.
Du
vieux linge de toilette mémoire des corps qu’il a si souvent séchés.
Linge
de famille que l’on associera aux corps des enfants ou aux corps des
vieillards qu’il nous fallut aider, accompagner, dans leurs soins quotidiens.
Linge
d’hôtel qui évoquera la fugacité d’amours de couples libres de laisser
vivre leurs corps passionnés. Les nôtres ? Et après ! D’autres ?
Quelle importance !
Linge
blanc, couleur retenue à dessein car la plus à même de recueillir sans les déformer
les empreintes de couleurs, comme naguère les empreintes des corps qu’elles
suggèrent.
Blanc
couleur de pureté ou bien couleur de deuil.
Blanc
couleur de Vie, d’Amour et de Mort.
Les
autres couleurs, traces suspectes, spontanées, subjectives, sont telles
souillures nauséeuses. Impures ? Nullement. Justes là pour redonner vie
à l’ inerte immaculé. Pour inciter l’expression de la mémoire dans les méandres
des souvenirs... bien au-delà des apparences.
Du
vieux linge de maison qui, neuf, participait de la quotidienneté. Images de
labeur mais aussi images de fête, finalement bornes du fil de nos vies.
Linge
en déclin qui termine sa carrière dans le ménage, le bricolage, tâches
toujours aussi simples, tâches de la vie.
Les
leurs ou les nôtres ?
Couleurs
et déchirures s’y mêlent pour en dire les joies, les jeux et les
ingratitudes.
Dirty Cloths
Association
d’un t-shirt usagé et d’un vieux jean. Complicité de l’uniformité
vestimentaire d’aujourd’hui détruite par l’arrivée de l’acrylique et
de l’encre. Affirmation possible d’une sensibilité, d’une personnalité...
La
trinquette au rebus, à la couleur brune délavée par les embruns et les
paquets de mer conduit au rêve, à l’évasion de soi dans les régates ou les
raids en solitaire selon bâbord et tribord...
Dirty Sheet
De
vieux draps peuvent devenir signifiants à travers ceux qui ne peuvent en avoir
et devenir prise de position politique face à un monde déglingué. D’un
effet de tissage peuvent jaillir les barreaux qui retenaient Florence et
Hussein. D’une broderie de parure peut éclater l’évidence d’un paradoxe :
Auschwitz/Sabra
& Chatila, comme écho d’une tonalité complémentaire à New
York /Kaboul chanté par Axelle Red & Renaud...
Cette
toile a été d'ailleurs été retenue par le poète belge de langue française Werner Lambersy pour illustrer son poème ''Le Squelette qui
Pleure'' dans le numéro spécial de la revue ''A l'Index'' qui lui est consacré
sous le titre ''La Nostalgie de l'Hérésie'' paru en novembre 2006.
La matière peut
aussi intervenir par la seule surface de sa destination première, mais m'offrir
des difficultés spécifiques. J’ai ainsi utilisé du Carrelage pour créer
des calligraphies isolées ou composites créés à l'aide de peinture
pour verre de grande viscosité.
Usage également de
Poteries
crues préparées par mon ami Paul
Gallet, assiettes ou plats, pour créer des motifs à l’aide de
pigments minéraux avant émaillage ivoire et cuisson à haute température,
objets présentés à la Poterie des Korrigans à la Clarté en Perros-Guirec.
Autre
apport de matières sans volume, la photo, le dessin, de vieilles lettres,
d’anciennes cartes ou partitions... utilisés en Collages.
Le
fond induit très directement la suite proposée au pinceau. Acrylique et encre
viennent soutenir, amplifier ou révéler la signification voire ouvrir la voie
au rêve.
L’enluminure
permet de proposer des voyages sur d’anciennes cartes ou partitions ou bien
sert de trait d’union entre les éléments d’une histoire contée par des
photos et des dessins associés.
La
lecture de carte au pinceau permet de faire jaillir d’un territoire un visage
ou un ensemble d’êtres plus ou moins hybrides qui poussent souvent ma réflexion
sur le sens politique de l’action des gens révélés, des choses et des
situations dévoilées ce qui induit le sens donné dans la finition de l’œuvre.
Ces deux approches restent susceptibles d’une certaine spontanéité si
importante pour moi.
En
revanche, la calligraphie expressionniste abstraite, toute de spontanéité,
devient la forme privilégiée sur de vieux courriers, ouverture à la
comparaison des signes et à la recherche de leurs significations profondes,
bien au-delà des apparences.
Les
Figures
Je
dessine depuis fort longtemps. J’entends par-là que je ne me souviens plus
quand cela a commencé. Mes premiers ‘’visages’’ datent de
l’adolescence. Aucun modèle, simplement des visages sortis de l’imaginaire.
A l’époque, très révoltés – rockers - pour la forme mais aussi très
empreints de condition humaine, des difficultés des plus démunis.
Les
Trente Glorieuses démarraient à peine. Le quartier du Marais n’était alors
qu’un écosystème proche de l’insalubrité, un melting-pot de cultures et
de religions très diverses, peu courant à l’époque, rendu cohérent et
solidaire par sa précarité même.
Ce
besoin de visages était en quelque sorte une quête de l’autre, un autre tout
paré de facettes, parcelles de l’Autre !
Le
crayon, le stylo à bille ou la plume, mes outils d’alors, ont limité
l’essor de ce travail par la rigidité – la dureté - d’usage que j’y
trouvais.
Restaient
l’architecture, certains paysages… J’ai donc évolué vers l’aquarelle
mettant à profit, aux côtés du trait, la transparence des teintes sur un
papier avide, pour ‘’bâtir’’ les images de vues prises pour modèles.
La Côte de Granit Rose en fut source. Jusqu’à la répétition...
La
découverte récente de la douceur de l’encre conjuguée à ‘’la tendresse
du papier et à la caresse du pinceau’’, fut une révélation. Un long
pinceau souple plus ou moins gorgé d’encre glissant ou projetant
délicatement sur une fine peau de papier posée sur le sol devenait le
fidèle et instantané traducteur d’émotions dans une calligraphie
expressionniste abstraite sans retouche possible. Pour souligner parfois d’une
touche de couleur, je choisis l’acrylique, peinture à l’eau qui ne supporte
pas non plus la retouche.
De
traits en signes, de formes en taches, de blancs en pleins, des visages ont de
nouveau vu le jour, de plus en plus nombreux. Rien ne venait plus freiner la
liberté intuitive du geste. De la multitude des possibles jaillissait alors en
quelques coups de pinceaux un visage, une ‘’figure’’. L’informe
accouchait de la forme. Je pouvais dès lors ‘’produire’’ la diversité.
Afin
de rendre celle-ci sensible, il faut ensuite associer ces visages, recomposer
des assemblées de figures rieuses ou tristes, fines ou frustres, vivantes ou
mortes, confronter le spectateur à un agglomérat de regards dans lesquels les
vides sont toujours plus signifiants que les pleins.
Les
agrégats ainsi obtenus dans les séries de Seize Figures Noires de très grandes tailles ou dans les Six
Figures Rouges confrontent à la diversité, suggèrent
pour moi la fuite du temps et concrétisent l’impermanence avec une grande
simplicité de moyens.
Il
est ensuite possible de pousser plus loin cette approche analytique par la
suggestion de la métamorphose d’un visage-sujet en un visage-objet, véritable
subtilisation de la matière pour aboutir à l’évidence de la nature
con-fusionelle du vivant et de l’inanimé, de leur harmonie - hors de toute
volition et de tout ‘’état-d’âme’’ – par la seule processivité
naturelle, mais aussi de leurs inéluctables issues dans l’indifférencié du
Sans-Commencement.
Ainsi
en va-t-il des Chaises et des Métamorphoses...
présentées dans le cadre de « Chaises d’artistes » à la galerie
Ty
Art Show de La Clarté en Perros Guirec de juin à septembre 2005.
Certaines de
ces toiles furent exposées au 3ème Festival d’Art Contemporain de Perros Guirec
en novembre 2005
La série
complète des Seize Figures Noires a
été également présentées de janvier à mars 2006 à la Galerie Ty
Art Show
Dirty Sail
était exposé à la Créperie des Vieux Gréements de mai à juillet 2007.
Quelques petites toiles et
dessins sont présentés depuis juillet
2007 à la Poterie des Korrigans à La Clarté en Perros Guirec
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