les
Maîtres Chanteurs
Orson Scott Card
Nous
sommes en …
en
tous les cas dans très très longtemps, loin devant nous.
Mikal
est empereur des mondes de la galaxie. Tous sont ses conquêtes sanglantes avant
qu’il n’y impose sa paix, une paix fondée sur les particularités de
chacune de ces ‘’terres’’, peuplées de colons terriens il y a bien
longtemps. Cette politique syncrétique conduite et maintenue
d’une main de fer est le seul moyen qu’il a trouvé après la
violence conquérante pour durer face à tous les particularismes planétaires
et … régionaux de chacun de ces mondes. Il est encore jeune mais quelque
chose lui manque. Le besoin impérieux de quelque chose du cœur ou de l’âme,
Rien de sexuel ni de sensuel dans cela, juste une harmonie sans crainte ni arrière
pensée.
Or,
sur la planète Tew, existe le seul petit îlot de résistance, le Palais du
Chant. Une institution millénaire – voire plus - qui ne se préoccupe que
d’enseigner le pouvoir de la voix à des enfants recrutés çà et là,
parfois achetés sur un marché des orphelins ou des kidnappés non restitués
à leurs parents… La sélection y est aussi sévère que la discipline est
juste. Son but est de révéler des Oiseaux Chanteurs, enfants prodiges aux voix
merveilleuses que les Maîtres Chanteurs pourront attribuer ou mieux, accorder,
à un adulte d’une quelconque planète dont les actes et l’âme le mérite,
comme une sorte de récompense d’une religion dont le Voix serait le dieu.
Mikal
a tué, il ne peut donc espérer un Oiseau Chanteur. Pourtant cet accord avec un
cœur pur est son plus cher désir. Il se rend donc au Palais du Chant comme
suppliant pour rencontrer Nniv, le Maître de la Haute Tour seul décideur des
attributions d’Oiseaux Chanteurs et s’y raconter…
A
la surprise générale, Nniv donne son accord. Les mondes pensent que les Maîtres
Chanteurs se sont inclinés devant la force et s’agitent. Là où tout était
clair, le doute s’installe dans les esprits. Cependant, seuls les mérites de
Mikal ont pesé dans la balance de Nniv. Mais d’Oiseau chanteur prêt il n’y
en a point et dans les enfants prodiges, aucun de ceux qui peuvent devenir
Oiseau ne saurait s’accorder à Mikal. Il faut attendre.
Mikal
va attendre quatre vingt dix ans !
Pour
nous lecteur, cette attente est peuplée du recrutement de Ansset l’enfant
merveilleux, de sa formation, de la mort de Nniv et de son remplacement par
Esste femme douce dans ce milieu froid du Palais du Chant, formatrice et révélatrice
de Ansset. Parallèlement, nous en apprenons sur Mikal, son mode de gouvernement
et la manière dont son entourage le protège des attentats fomentés contre
lui, mais peut-être que certains proches…
Enfin,
Mikal et Ansset se rencontrent et se trouvent par le seul pouvoir du chant de
l’Oiseau. Après moult péripéties empreintes de drames, de trahisons et
d’amitiés, véritable parcours initiatique, l’empereur et son Oiseau se
retrouvent et Mikal va finalement désigner Ansset comme son successeur qui à
son tour passera la main pour rejoindre enfin le Palais du Chant et faire naître
une autre merveille, la jeune Fiimma, dont la voix porterait dès lors partout
les inflexions nouvelles porteuses de la vie emblématique et dramatique de son
maître faisant ainsi progresser toute l’institution du Palais du Chant.
"Une partie de Ansset survivrait pourtant. Même si personne ne devait savoir qu'elle provenait de lui. Mais comme les Chanteurs et les Oiseaux Chanteurs quittaient Tew pour se rependre à travers la galaxie, ils emportaient avec eux ce que leur avaient appris les voix des chanteurs de la Manécanterie : un puissant courant porté par toutes ces voix et qui désormais serait la vie de Ansset, cette vie dont il leur avait fait don sans retour, qui serait à jamais leur, à jamais pleine de force et de beauté, de souffrance et d'espoir."
Ces
pages sont une réflexion sur le pouvoir. Pouvoir de l’homme dont la volonté
d’action peut-être tournée vers les intérêts partisans ou le bien général,
ce qui n’est pas très original en soi. Pouvoir de la transgression capable de
transformer des sociétés et des hommes. Ce qui ne l’est guère plus, sauf
ici où, pour l’époque – années soixante dix -, le thème de
l’homosexualité est ouvertement abordé. Pouvoir de la voix enfin capable de
soulever des émotions intenses, d’exalter, de terrifier, de calmer,
d’aimer. Ce qu’il l’est beaucoup plus.
Finalement,
nous avons entre les mains une histoire sur la transmission donc sur la
transformation. Transmission d’un savoir bien sûr, mais aussi – et surtout
- transmission de soi, de ses sentiments, de son amour. La scène la plus
marquante de cet ouvrage reste sans conteste le huis clos opposant Esste et Ansset
au cours de la formation de l’Oiseau Chanteur, affrontement induit par Esste
afin que Ansset se révèle à lui-même en brisant le trop grand contrôle de
ses sentiments. Ces pages m’avaient marquées à la sortie du livre. Elles
n’avaient rien perdues de leur impact lors de ma relecture il y a quelques
jours…
Pour
nous conter ceci, Orson Scott Card emploie le ton de l’opéra baroque dans
cette grande fresque peinte à la façon d’une heroïc
fantasy. Osez ce livre, puis lancez vous dans ‘’Sonate sans
accompagnement’’, recueil de nouvelles du même auteur.
Orson
Scott Card, les Maîtres Chanteurs, ed Denoël, collection Présence du futur,
1982, ISBN 2-207-30337-3
Biographie
Né
en 1951 dans l'État de Washington aux Etats-Unis. Mormon, il a été
missionnaire au brésil. Il enseigne aujourd’hui la langue anglaise à Salt
Lake City.
En
1977, il publie une première nouvelle – dont je n’ai pu retrouver le titre !
jlmi - pour laquelle il obtient le prix John Campbell (meilleur nouvel auteur en
science-fiction). En 1979, il publie son premier roman, ‘’une Planète
nommée Trahison'' et en 1980 ‘’les Maîtres Chanteurs’’. Suit en 1981
un merveilleux recueil de nouvelles, ‘’Sonate sans Accompagnement’’. En
1985, il publie '' la Stratégie Ender'' récompensé à la fois par le prix
Hugo et par le prix Nebula. La suite de ce roman, ''la Voix des Morts'’, reçoit
à nouveau le prix Hugo et le prix Nebula, une première dans l'histoire de la
science-fiction. En 1989, il transpose en nouvelle le film de James Cameron,
‘’the Abyss’’…
Sa
bibliographie complète est impressionnante ! Il a reçu à ce jour plus de
dix prix littéraires.
Dans
toutes ses œuvres, la technologie (ou son absence !) n'est que la toile de
fond sur laquelle évoluent les personnages, souvent de jeunes enfants qui
vivent une trajectoire initiatique. Si ses convictions mormones ne
transparaissent pas toujours, les religions, qu'elles soient imaginées ou réelles,
sont souvent présentes dans ses œuvres. Il possède un site internet